Si la lavande est une plante rustique, plutôt tolérante aux rudesses du climat de Haute-Provence, elle supporte mal les conditions météorologiques difficiles auxquelles elle est soumise depuis de nombreux mois.
La sécheresse de l’été 2022, qui s’est poursuivie jusqu’à l’hiver suivant, avec un niveau de précipitation anormalement bas jusqu’en mars, a affaibli les plants qui ont perdu leur vigueur et ont tardé à redémarrer cet été.
Les pluies abondantes et irrégulières du mois de mai ont ensuite favorisé la prolifération de végétaux au sein même des sillons, venant concurrencer les plants de lavande (et les affaiblir encore)*.
« Il y a beaucoup d’herbe cette année. Sur un caisson de 25m3, j’extrais habituellement 30 à 40 kg d’huile essentielle de lavande fine. Là, j’en aurais à peine 3kg. C’est la première année que je vois ça. » Guillaume Liardet, Distillerie Aroma’plantes à Sault.
*A ne pas confondre avec l’enherbement inter-rangs qui est une pratique agroécologique maîtrisée permettant de lutter contre le dépérissement.
Et maintenant, les températures caniculaires, conjuguées au Sirocco de juillet (lui-même consécutif au dôme de chaleur méditerranéen), ont favorisé la prolifération de chenilles de type Noctuelles dans les plantes. Ces dernières raffolent de la graine de lavande et de lavandin et dévorent littéralement les épis, provoquant la chute des fleurs et donc une perte de récolte pour les lavandiculteurs.
« Il y a des chenilles de partout. Je récolte aussi vite que je peux. Je commence à 5h et termine à minuit-1h du matin. Les rendements sont très faibles et je vais perdre au mois 60% de ma récolte. » Paul-Henri Roux, lavandiculteur à Sault.
Cette situation est exceptionnelle comme le souligne Eric Chaisse, ancien directeur du CRIEPPAM (un centre d’études et de recherches dédié aux plantes à parfum, aromatiques et médicinales installé à Manosque), maintenant consultant indépendant :
« En quarante ans de travaux sur les lavandes et lavandins de Haute Provence, je n’ai jamais vu une telle catastrophe pour notre emblème de la Provence. […] Je sentais bien que le changement climatique allait impacter de plus en plus cette culture dans sur les Plateaux secs de notre belle Provence. Mais je ne pensais pas que cela irait si vite. »
Il souligne également la fragilité de la filière, qui cumule les coups durs depuis plusieurs années, entre les impacts du réchauffement climatique, le dépérissement ou encore les contraintes réglementaires, dans un marché peu favorable.
« En deux ans de catastrophes climatiques, accentuées par des dégâts jamais vus de ravageurs (cécidomyie, noctuelles), la lavande du Plateau d’Albion disparaît à grands pas. En 2 ans, au moins 60% des surfaces ont ou vont être arrachées. C’est tout une filière qui est en danger, avec des dizaines d’exploitations au bord du gouffre. […]. Une fois de plus, ce sont les zones traditionnelles qui sont les plus impactées. »
Il en appelle à une mobilisation générale, bien au-delà de la filière, pour soutenir les producteurs, apiculteurs et professionnels du tourisme dont le destin est intimement lié à l’emblème de la Provence.
C’est pourquoi nous vous encourageons plus que jamais à parcourir les Routes de la Lavande et à rendre visite aux producteurs et transformateurs. Ils sont d’abord les mieux placés pour vous expliquer leur situation et ils ont toujours à cœur de partager leurs savoirs et savoir-faire pour faire rayonner la lavande de Provence. C’est aussi une occasion de les soutenir en leur achetant directement le fruit de leur travail sous forme d’huiles essentielles, savons, parfums ou bouquets.
« La vente directe est une ressource de plus en plus importante pour les lavandiculteurs qui ont fait le choix d’accueillir le public sur leur exploitation », explique Alain Aubanel, producteur-distillateur à Chamaloc et président de l’interprofession de la filière PPAM (CIHEF). « La découverte de notre travail alliée à celle de nos produits créé une expérience unique pour les visiteurs qui reviennent année après année pour se rapprovisionner chez nous. »
Certains secteurs sont fort heureusement épargnés et il reste de nombreux champs en fleur à admirer de Digne-les-Bains au Diois, en passant par Sault ou les Baronnies.
Pour aller plus loin, un fonds de dotation a été créé il y a une dizaine d’années par les acteurs de la filière (Le CRIEPPAM, le CIHEF, L’Occitane, Bontoux, l’IGP Miels de Provence, les Routes de la Lavande…) et a pour objet la sauvegarde du patrimoine lavande de Provence. Il a initié de nombreuses études et opérations pour accompagner la filière dans son adaptation au changement climatique. Vous pouvez également faire un don à cet organisme qui a encore beaucoup à faire pour atteindre ses objectifs !
Et enfin, privilégiez les produits naturels et soutenez les producteurs de Provence en achetant au maximum de la lavande d’origine française !